Accessibilité
  • Caractères normaux
  • Caractères plus grands
  • Caractères très grands
  • Augmenter le contraste

La recherche

titre larecherche

Cellules-souches: remyélinisation et sclérose en plaques

  1. Définition des cellules-souches : une cellule-souche est définie comme une cellule ayant la capacité de se renouveler elle-même d'une part, de générer des types cellulaires très spécialisés d'autre part.  Les cellules-souches isolées à partir de stades précoces de développement possèdent des potentialités plus élevées de se différencier en de multiples cellules différentes que celles prélevées à un stade plus tardif.  Ce sont donc les cellules-souches embryonnaires qui sont les plus « pluri-potentes », c'est-à-dire qui ont la plus grande potentialité en culture cellulaire de générer différents types de cellules, en particulier des cellules nerveuses et des cellules gliales, dont l'oligodendrocyte qui fabrique la gaine de myéline.
    Outre les cellules-souches embryonnaires, il existe des cellules-souches fœtales, et des cellules-souches adultes, provenant de la moelle osseuse (cellules-souches mésenchymateuses),  des cellules-souches hématopoiétiques (précurseurs des cellules sanguines) et des cellules-souches neurales (situées dans la profondeur du cerveau, le long de la paroi des ventricules contenant le liquide céphalorachidien).
    Il n'est pas techniquement si facile de provoquer la différenciation de ces différents types de cellules-souches en une cellule cible bien différenciée, par exemple en une cellule nerveuse ou en un oligodendrocyte.  Par ailleurs, sont présentes de manière diffuse dans le système nerveux central (cerveau et moelle épinière) des « cellules précurseurs des oligodendrocytes » qui peuvent être aussi considérées comme des cellules-souches spécifiques de ce type cellulaire.  Ces cellules précurseurs peuvent partiellement mais efficacement remyéliniser certaines plaques de sclérose en plaques.  La gaine de myéline reformée par ces cellules précurseurs est généralement plus fine, moins épaisse, et d'une longueur plus limitée.  Malheureusement, cette myéline ainsi reformée peut être à nouveau la cible du processus destructeur et être donc détruite.
  2. La neuroprotection dans la sclérose en plaques : il s'agit là d'un objectif thérapeutique majeur qui n'est pas encore rencontré par nos thérapeutiques actuelles.  Cette neuroprotection a deux composantes : 1°) la prévention de la perte des fibres nerveuses appelées axones, soit par transsection durant l'inflammation aiguë, soit chroniquement, suite à la perte de leur gaine de myéline protectrice, au cours des mois et des années ; 2°) la promotion de la remyélinisation dans les endroits où la gaine de myéline a été détruite.  Ces deux phénomènes sont liés car il est évidemment impossible de remyéliniser les axones si ceux-ci sont en état de dégénérescence.  On a de bonnes raisons de penser que la phase progressive de la maladie, observée en moyenne 10 à 15 ans après la première poussée, est liée directement à cette dégénérescence des axones.  Par ailleurs, 15% des patients atteints de sclérose en plaques n'ont pas de poussée ni de rémission et commencent d'emblée leur maladie dans une phase progressive de dégénérescence axonale.
  3. Thérapeutique par cellules-souches dans la sclérose en plaques : on peut imaginer deux mécanismes, qui d'ailleurs ne s'excluent pas mutuellement : soit remplacer les cellules-souches, et en particulier les cellules précurseurs des oligodendrocytes par des cellules provenant d'une source externe, injectées au patient ; soit, augmenter la réparation endogène en utilisant les cellules-souches de la personne elle-même et en particulier en stimulant les cellules précurseurs des oligodendrocytes.

a) la réparation cellulaire par des cellules exogènes pose de nombreux problèmes.  Il faut en effet que les cellules-souches se différencient en une quantité importante du type cellulaire souhaité, par exemple la cellule précurseur de l'oligodendrocyte, que cette différentiation soit stable, qu'il n'y ait pas de surproduction cellulaire évoluant vers une tumeur ; et enfin que les cellules-souches se dirigent vers la zone pathologique.  On sait cependant que les cellules-souches ont une attraction innée vers les zones pathologiques nécessitant une réparation, cette propriété étant appelée « pathotropisme ».

b) la promotion des mécanismes de réparation endogène : il s'agit d'une approche sans doute plus réaliste et plus faisable dans le futur proche.  On sait que dans les plaques de sclérose en plaques on trouve fréquemment des cellules précurseurs de l'oligodendrocyte mais elles semblent inhibées par l'environnement inflammatoire, ce qui empêche la remyélinisation.  De nombreuses études essaient actuellement d'élucider les mécanismes pro- et anti-remyélinisants, et les molécules favorisant ou bloquant cette remyélinisation.  C'est ainsi qu'une de ces molécules, appelée lingo, est la cible d'un anticorps monoclonal anti-lingo qui favorise la remyélinisation dans des modèles expérimentaux.  Les premiers essais en clinique humaine ont démarré dans le cadre de la névrite optique comme premier symptôme de sclérose en plaques. Il s'agit de savoir si cet anticorps anti-lingo permet de protéger le nerf optique, d'empêcher la dégénérescence des fibres nerveuses et ainsi de maintenir une meilleur acuité visuelle.
De même, une autre étude de faisabilité a déjà été réalisée en utilisant des cellules mésenchymateuses prélevées chez les patients eux-mêmes pour traiter des formes secondaires progressives de sclérose en plaques.  Les résultats initiaux étaient encourageants pour la fonction visuelle.

En conclusion : l'étude des cellules-souches dans le traitement de la sclérose en plaques nous apportera certainement des indications précieuses sur les mécanismes de la maladie et sur la question clé de la neuroprotection.

Les problèmes éthiques (utilisation de cellules-souches embryonnaires ou fœtales) et techniques restent extrêmement importants cependant.  Les cellules-souches provenant du sujet lui-même ne posent pas de problèmes éthiques, ne sont pas détruites par le système immunitaire de la personne concernée, mais ont moins de potentialité de se différencier dans le type cellulaire souhaité.  Même dans le cerveau d'un homme adulte, il existe des cellules précurseurs ayant toujours des capacités de se différencier et de remplacer d'autres cellules détruites par un processus pathologique.

Professeur Christian SINDIC

Juillet 2013