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Nouvelles perspectives thérapeutiques dans la SEP

La sclérose en plaques est une maladie qui « joue » un double jeu.  Le premier est celui d'une inflammation intermittente, qui se présente sous forme de poussées, ou sous forme de plaques « actives » en résonance magnétique, sans que l'on s'en rende compte nécessairement (une plaque active est une plaque en état inflammatoire, captant le produit de contraste injecté par voie intra-veineuse).  Le deuxième est celui d'une lente dégénérescence des fibres nerveuses privées de leurs gaines de myéline, ou sectionnées le long de leur trajet par l'inflammation initiale.

Les nouveaux traitements qui se profilent à l'horizon sont essentiellement anti-inflammatoires, et ne protègent pas de la neuro-dégénérescence provenant de lésions déjà établies.  Ils ne réparent pas non plus la gaine de myéline.  Ils stabiliseront la maladie mieux qu'aujourd'hui.  S'il y a amélioration, ce sera grâce à la « bonne nature » qui est capable de remyéliniser certaines plaques si l'inflammation est supprimée ; hélas, ces possibilités naturelles de réparation sont le plus souvent insuffisantes et dépassées par l'extension des lésions.  Jusqu'à présent, les essais thérapeutiques dans les formes d'emblée progressives sans poussées, ou devenues avec le temps progressives sans poussées, n'ont pas été couronnés de succès.

A l'heure actuelle, nous disposons dans les formes avec poussées et rémissions (soit complètes, soit partielles) de 4 types d'interférons bêta (Avonex, Bêtaféron, Extavia et Rebif) et d'un 5ème produit tout à fait différent, le copolymère I (Copaxone).  Ces 5 produits, qui représentent la 1ère ligne de traitement, s'administrent par injections, soit sous-cutanées, soit intra-musculaires.  Ils ont chacun leurs inconvénients et leurs avantages.  Ils ont globalement la même efficacité quand on compare des groupes de patients traités par ces différents produits, mais individuellement, il existe des « bons », des « moyens » et des « non »-répondeurs à chaque type de traitement.  Un « bon » répondeur verra la fréquence de ses poussées diminuer de moitié, les poussées résiduelles auront en moyenne une sévérité diminuée de moitié, les lésions en résonance magnétique n'augmenteront que de quelques pourcents sur 5 ans (contre 27% en l'absence de traitement).  A moyen (5 ans) et long terme (20 ans), ces produits sont extrêmement sûrs, sans effets secondaires graves.

En cas d'échec de ces produits malgré un traitement bien suivi (forte poussée, aggravation de l'imagerie cérébrale, plaques actives nombreuses), nous avons recours au Tysabri, un produit biologique injecté une fois toutes les 4 semaines par voie intra-veineuse, qui bloque le passage des lymphocytes sanguins (cellules immunitaires principales) du sang vers le cerveau ou la moelle.  C'est actuellement le traitement le plus efficace des formes très actives, caractérisées par la répétition de poussées très fréquentes.  Malheureusement, il existe un risque, faible mais réel, de développement d'une encéphalite provoquée par un virus qui envahit le cerveau et qui tue spécifiquement les cellules fabriquant la gaine de myéline.  Il n'existe pas de médicament contre ce virus.  Nous donnons le Tysabri quand nous sommes convaincus que les bénéfices l'emportent largement sur le risque d'encéphalite.  Enfin, nous utilisons la Novantrone par voie intra-veineuse, malgré sa toxicité (insuffisance cardiaque, leucémie...) chez les personnes avec poussées et aggravation progressive de la maladie associée à la persistance de poussées et de plaques actives en imagerie.

Les nouveaux médicaments vont se situer au même niveau que les 5 premiers cités, ou entre ces 5 produits et le Tysabri : ils seront aussi efficaces, ou plus efficaces que l'actuelle 1ère ligne, et plus confortables (prise orale).  Leurs effets secondaires à cours et moyen terme sont cependant inconnus.  Il n'y aura pas de motif de changer le traitement d'une personne qui supporte bien les injections des produits actuels, et qui est en rémission tant sur le plan clinique que radiologique (imagerie du cerveau et de la moelle).

  1. Le Gilenya ® (Fingolimod), une gélule par jour, agit sur le trafic des lymphocytes et les re-dirige vers les ganglions pour les empêcher de traverser la barrière entre le sang et le cerveau. Les résultats publiés sont très positifs. Il a été accepté par l'administration américaine des médicaments sur le même plan que les 5 médicaments actuels de 1ère ligne, et par l'agence européenne, en cas d'échec de la 1ère ligne, sur le même plan que le Tysabri. Il doit être maintenant soumis aux autorités de la Santé de chaque pays européen, et nous connaissons la lenteur des procédures belges. Il serait de toute façon inadmissible que les indications belges soient plus restrictives que les conditions européennes, comme ce fut le cas initialement pour le Tysabri.
  2. La cladribine est un immunosuppresseur par voie orale, à longue durée d'action, à ne prendre que quelques jours par an. L'agence européenne n'a pas accepté ce produit dans le cadre de la SEP, par crainte de risques à long terme. L'administration américaine n'a pas encore donné son avis. Les résultats publiés sont aussi très positifs, et des études complémentaires et prolongées sont en cours.
  3. Le fumarate (BG12), le teriflunomide, le laquinimod sont d'autres produits par voie orale, testés dans la SEP, avec une efficacité au moins similaire à la 1ère ligne actuelle.

Enfin, d'autres médications sont en cours de tests, dont l'action pourrait être plus radicale : tuer dans l'œuf la maladie dès sa première manifestation, et « re-formater » le système immunitaire.  Il s'agit de l'Alentuzumab (Campath) et des anticorps anti-lymphocytes B comme le rituximab et l'ocrélizumab.

La conclusion est claire : dans 5 ans, le traitement de la SEP se sera profondément modifié mais il s'agira pour chaque patient(e) de faire la balance entre risques, bénéfices, qualité de vie, projets personnels (fonder une famille par exemple). Et dans 5 ans, il y aura encore beaucoup de recherches à réaliser, pour arrêter les formes progressives de la maladie et si possible, réparer les lésions déjà présentes.

Professeur C. SINDIC

Mai 2011